lundi 19 janvier 2015

Le Bénin n’a pas failli à la tradition: La fête du vaudou a bien eu lieu le 10 janvier

A la gare routière de Godomey de Cotonou, c’est l’ambiance des grands jours, des grands départs. Des milliers de pèlerins, dans ce pays qui compte 17% d’animistes, vont serendre à Ouidah pour célébrer les divinités du panthéon vaudou, samedi 10 janvier. Mais, cette année encore, le déplacement s’annonce périlleux et il faudra s’armer de patience. L’autoroute Godomey – Ouidah (32 km) est en réfection depuis plus de trois ans. Il n’est ouvert qu’à moitié.

Sur la partie non goudronnée, qui s’étend sur 18 km, d’énormes nuages de poussières se lèvent au passage des véhicules. Dans le ciel, le sable qui se mêle au brouillard en cette période d’harmattan, aveugle le chauffeur de taxi qui conduit avec prudence. A l’intérieur de l’habitacle, où nous sommes confinés à sept pour seulement cinq places, on se protège en masquant tant bien que mal son visage.
Une heure de trajet environ et voilà Ouidah, cité historique des Pédah (peuple autochtone), mais aussi des derniers descendants d’esclaves revenus il y a plus de deux siècles, après s’être affranchis. On les reconnaît grâce à leurs patronymes, puisqu’ils portent encore le nom de ces maîtres négriers que leurs aïeux ont servis dans les différentes plantations sucrières de l’autre côté de l’Atlantique.
Crédit: Journal Le Monde

Pendant toute l’année, la ville berceau du vaudou respire le calme et la sérénité surtout en comparaison de Cotonou. Mais au jour de l’an, et surtout à l’approche du 10 janvier, elle s’anime, s’égaie. Sauf que cette année, il semblerait que le cœur de Ouidah n’y est pas. Si les Béninois ont répondu présent à leur grande fête nationale, très peu d’étrangers sont venus. D’habitude, ils arrivent en masse de Cuba, du Brésil ou des Antilles, en se réclamant fièrement être originaires du Bénin et plus précisément de Ouidah, l’un des ports négriers entre les XVII et XIXièmes siècles. Un million d’hommes, de femmes et d’enfants sont partis de ces plages.
Dans son palais, siège mondial du vaudou appelé « Houxwe » – où l’on ne compte plus les fresques, les statuettes, les représentations et les divers tableaux à la gloire des dieux vaudou – Daagbo Hounon, chef suprême et souverain pontife du culte vaudou (de son nom d’intronisation Tomadjlehoukpon II Houwamenou) s’est levé de bonne heure. Il vient d’achever sa prière matinale pour les différents dieux du panthéon.
Daagbo Hounon ne cache pas ses regrets de voir la fête du 10 janvier se dérouler sans « les frères de la diaspora ». L’épidémie d’Ebola, qui sévit depuis plus d’un an en Afrique de l’Ouest est, en est la principale cause.
« Ce sont les frères de la diaspora qui nous aident à faire cette fête à travers leurs différentes contributions, déplore le chef suprême. Mais cette année, le virus les a effrayés. Des frères de la diaspora m’ont expliqué que leur voyageétait reporté à l’année prochaine à cause d’Ebola. » Dans les hôtels, les boutiques de souvenirs et les restaurants, on fait aussi grise mine.
A la peur du virus chez les adeptes étrangers s’ajoute le climat politique particulièrement maussade du Bénin, puisque l’opposition réclame toujours en vain un calendrier électoral.
Et il y a enfin les prédictions des prêtres vaudou. Elles ne donnent pas vraiment le moral en ce début d’année. Le « fâ », la divinité qui permet de prédire l’avenir, prévoit une année 2015 émaillée d’infortunes diverses. « Il y aura beaucoup de décès cette année, annonce le chef suprême du vaudou. Je vois aussi la multiplication des relations adultères. Il faudra faire attention, car certaines trahisons pourront coûter très cher… », prévient le chef suprême du culte vaudou.

« L’ire des dieux »

Pour les prêtres vaudou dans leur grande majorité, « c’est l’ire des dieux qui auraient provoqué ce mauvais présage, à cause de l’irrespect observé envers eux et le manque de dévotion des hommes. »
Selon le responsable du culte de la divinité « Dan », le dieu Arc-en-ciel, « le peuple béninois a tourné le dos à ses dieux, à cause du christianisme. C’est pourquoi ils sont en colère et demandent à ce qu’on revienne vers eux…»
Hermann Boko (Cotonou, Bénin)
Source: Le Monde.fr
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Le Vaudou, c’est quoi ?
Comme chaque année, le Bénin a célébré ce  vendredi 10 janvier 2014, la fête nationale du Vaudou. Instituée depuis 1994, cette commémoration annuelle est l’occasion de mettre en valeur les religions endogènes auxquelles les Béninois restent profondément attachés.
Depuis une vingtaine d’année maintenant, chaque journée du 10 janvier est consacrée au Vaudou. Il s’agit d’une commémoration nationale décrétée par le président Nicéphore Soglo en 1994 en accord avec les dignitaires et responsables des cultes du vaudou. La journée est donc fériée et payée sur tout le territoire national. Cette année, les manifestations officielles ont eu lieu à Abomey-Calavi, une commune située à trente kilomètres environs au nord de Cotonou. Pour le ministre de l’Intérieur de la Sécurité publique et des cultes, M. François HOUESSOU, l’édition de cette année est placée sous le signe de  la tolérance, la sagesse de l’humilité et de la paix.
Représentation du Lègba, l’un des dieux du panthéon vaudou, Photo: www.slateafrique.com
Représentation du Lègba, l’un des dieux du panthéon vaudou, Photo:www.slateafrique.com
Ailleurs dans le pays, les couvents et les temples ont été remis à neuf pour la circonstance. Lesvodounsi[1] (adeptes du vaudou) se sont parés pour célébrer leurs divinités. Un peu partout à Cotonou, mais surtout à l’intérieur du pays, cette célébration a été accompagnée de démonstrations spectaculaires. Celles-ci, comme à chaque année, ont attiré des milliers d’adeptes, de curieux et de touristes venus de divers horizons pour vivre la quintessence de l’événement.
Au-delà de toutes ces festivités qui entourent la fête du Vaudou, l’essence même de l’entité reste peu appréhendée.  La complexité de ses voies et le mystère qui entoure ses pratiques alimentent régulièrement la confusion autour même  de son but. Certaines personnes n’hésitant pas à assimiler systématiquement le Vaudou au diable ou au « mal », ce dont se défendent évidemment lesvodounon[2] et les vodounsi.
Le Vaudou, c’est quoi ?
Le Vaudou est une religion originaire de l’ancien royaume du Danhomè (actuel Bénin). « Il désigne l’ensemble des dieux ou des forces invisibles dont les hommes essaient de se concilier la puissance ou la bienveillance. Il est l’affirmation d’un monde surnaturel, mais aussi l’ensemble des procédures permettant d’entrer en relation avec celui-ci ». Ces rites consistent notamment à entrer en relation avec un ensemble de dieux. Le panthéon vaudou est donc composé de dieux dont la plupart sont  l’incarnation ou la représentation de la puissance d’éléments de la nature ou de réalités plutôt abstraites. Ainsi, nous avons par exemple le Sakpata, dieu de la terre, le Hêviosso, dieu du tonnerre et de la foudre ou encore le Mami Wata divinité des eaux. Toutes ces entités divines seraient directement ou non issues de Mawu et Lissa, incarnation des principes originels masculin et féminin.
Parti du Bénin, le vaudou s’est exporté dans le monde entier notamment en Amérique du sud et dans les caraïbes (via la traite négrière notamment)  d’où son importante présence au Brésil et en Haïti. Le vaudou peut être décrit comme une culture, un art, des danses, un langage, un art de la médecine, un style de musique, une justice, un pouvoir, une tradition orale et des rites. En effet, depuis plusieurs années le vaudou fait l’objet de travaux de recherches effectués par des chercheurs et universitaires à travers le monde. Il a également intégré la culture populaire tant son environnement inspire de nombreux artistes mais aussi des écrivains et des cinéastes.
Cependant, le vaudou n’a pas toujours bénéficié des meilleures faveurs sur ses propres terres de naissance. En 1972, le régime marxiste-léniniste mis en place à l’époque par le général Mathieu Kérékou le compare à la sorcellerie. Les rassemblements et les cérémonies étaient interdits, les adeptes traqués et jetés en prison.Ce n’est qu’en 1991 avec l’arrivée au pouvoir de Nicéphore Sogloqu’il sera restauré. C’est d’ailleurs ce dernier qui instaura en 1994 cette célébration du 10 janvier.
Selon les statistiques du recensement de 2002, 17% des Béninois pratiquent les religions traditionnelles alors que les chrétiens catholiques et protestants représentent 39% de la population contre 24% de musulmans. Dans la réalité, le culte du vaudou est beaucoup plus répandu. En effet, beaucoup de Béninois, même quand ils pratiquent déjà une autre religion y restent très attachés. Ils participent aux cérémonies et y ont recours en cas de nécessité même s’ils ne le déclarent et l’assument ouvertement.
Source: beninoscopie

[1] Adeptes du vaudou
[2] Prêtre du vaudou