Par Ives Marie Chanel
 Ce que vous voyez ou entendez n’est pas forcément la réalité Ce que 
disent les gens n’est pas nécessairement vrai dans ce pays. Ce qu’ils 
disent n’est pas ce qu’ils font dans la pratique Haiti est le contraire 
de ce qui est normal dans d’autres pays. Il y a une différence entre ce 
qui se dit et se qui se fait Pays ou l’anormal est la règle. C ‘est le 
revers de la médaille ou comme on joue à la loterie et au qui perd gagne
 .
Le processus électoral  haitien a mis en exergue les rivalités et les
 luttes pour le controle du pouvoir de deux secteurs de l’oligarchie.
Ces deux secteurs luttent pour le controle direct du pouvoir 
politique comme levier indispensable pour le maintient des privilèges et
 la récupération économique dans bien des cas.  
L’oligarchie a cessé de tirer les ficelles des classes moyennes au 
pouvoir depuis 1946 et particulièrement à partir de 1957 pour occuper 
l’avant scène avec la prise de pouvoir de Marthely en 2011.
Confrontés à des difficultés économiques certains groupes de 
l’oligarchie utilisent les ressources de l’Etat pour tirer des avantages
 , avoir des concessions ou refinancer des projets moribonds.  
Cette lutte interne s’est matérialisée  meme au sein du parti au 
pouvoir à travers le rejet de la candidature de Laurent Lamothe et plus 
loin avec la mise à l’écart de Jacky Lumarque,candidat à la présidence  
représentant de l’un des camps oposés à  Lamothe .
Sur le terrain politique cette oligarchie s’est organisée en deux 
grands groupes de pression qui financent et commandent . Ces groupes 
défendant les memes objectifs se retouvent assez souvent opposés  a 
travers  les méthodes de  matérialisation.
 D’un coté,  on retrouve ceux qui sont identifiés comme d’une 
certaine droite , héritiers des régimes dictatoriaux, derrière le parti 
au pouvoir et son chef Michel Marthely . Le candidat du pouvoir Jovenel 
Moise meme s’il n ‘est pas totalement accepté en raison des clivages 
sociaux liés à la couleur et à la classe sociale ou son origine sociale 
 ( très aigus en Haiti ) est celui qui  issu  d’une certaine classe 
moyenne a été choisi pour jouer le jeu électoral devant aboutir à la 
consolidation du pouvoir prédateur.
De l’autre coté, on retrouve  un autre  groupe  de cette oligarchie 
crédité  d’un certain libéralisme formé de familles d sensibles à une 
certaine idéologie de gauche  ou ayant bénéficié pendant plus de 12 
années  des farveur des leaders de cette gauche .. Ce groupe est 
représenté particulièrement par le candidat de LAPEH , Jude Celestin.
En fait , ces deux candidats en course pour la conquete du pouvoir 
feraient l’affaire de l’un ou de l’autre des secteurs de l’oligarchie 
puisqu’au sein de l’équipe de Celestin il est aussi identifié des 
transfuges du Camp Marthely. Ces transfuges ont fait ce choix très 
certainnement parce qu’ils ne se sentent pas en toute  sécurité  
(politique ou économque ) ou qu’ils aient été l’objet de certaines 
attitudes ostracisantes.
Le fait de nager entre les deux camps est aussi en Haiti une 
stratégie de cette bourgeoisie pour gagner à tous les coups. La petite 
histoire raconte d’ailleurs qu’aux temps forts de la dictature 
duvalieriste ces familles  étaient toujours positionnées  des deux cotés
 de la barricade ( pouvoir – opposition) et les uns venaient à la 
rescousse des autres selon les circonstances .
René Préval , un Président qui se réclamait d’une certaine gauche 
mais accordait des concessions sur des entreprises publiques( minoterie-
 ciment- électricité)  à un de ces  groupes qui aujourd’hui  appuie son 
protégé Jude Célestin.
Marthely qui n’hésite pas à s’identifier à une extrème droite sans 
contenu idéologique et  en perte de vitesse a accordé des avantages pour
 refinancer des projets de construction de zones franches industrielles,
 d’hotel au groupe appuyant son poulain Moise Jovenel.
 L’international  n’aurait aucun problème pour s’accomoder  à l’un ou
 l’autre de ces deux secteurs mais fait imprévu , un autre secteur très 
nébuleux de la gauche est venu  jouer au trouble fete.
 Le parti Lavalas s’est présenté  aux élections sans conviction juste
  pour  donner l’impression de jouer le jeu démocratique. A coté de 
Lavalas, le Mouvement  Pitit Dessalines conduit par Moise Jean Charles ,
 un ancien sénateur dissidant de Lavalas. Son leader a la prétention de 
surplanter le leader Carismathique Jean Bertrand Aristide mais celui ci 
est rancunier et ne pardonne pas.
Le divorce est consummé  entre Moise et Aristide devant le refus de 
l’ancien pretre  d’accepter que les militants de base soient les 
principaux décideurs au sein de son parti Fanmi Lavalas. Le refus d’ 
Aristide d’imposer une discipline à ces militants était d’ailleurs l’une
 des causes ayant précipité sa chute du pouvoir en 2004. Aujourd’hui, 
Aristide semble ne pas vouloir uniquement d’un parti  de masse dirrigé 
par des prolétaires il fait appel à des cadres et se ménage en envoyant 
aux étrangers particulièrement aux américains l’image d’un parti non 
violent  et démocratique.
Moise Charles prend l’héritage de ces militants exclus de Lavalas 
avec leurs passifs et s’adjoint quelques cadres et techniciens des 
classes moyennes dont certains sont percus comme des oportunistes qui 
pourraient etre selon l’opinion répandue dans certains mileux des agents
 au service de l’international et de cette meme oligarchie. Un mariage 
en fait très controversé.
Le drame de ces élections est que Moise, ses militants et Fanmi 
Lavalas font peur à une partie des classes moyennes, à la bourgeoisie et
 à l’international. Il ne se précise nullement une alliance possible 
entre Pitit Dessalines et Lavalas. Aristide n’en veut pas et Moise se 
croit fort et n’évalue pas assez ses faiblesses.
Le dillemme des élections se situe à plusieurs niveaux 
D’un coté on assiste à une confrontation des extrèmes qui , de chaque
 coté souhaite voir disparaitre l’autre . ( Makout versus Lavalas- 
Pauvres et riches – Pitit Desalin- Pitit Pétion)   
La lutte pour la survie des classes moyennes écartées du pouvoir et 
des opportunités d’affaires au cours des 5 dernieres années
La lutte d’un secteur politique et de la société civile attaché aux 
principes démocratiques inquieté par les dérives anti démocratiques et 
le spectre de la pérénité d’un pouvoir Marthely marqué par une forte 
tentation au retour à un “ totalitarisme  “
Les intérets de la communauté internationale principal bailleur de ces élections  
Dans ce décor a émergé  quelques nouvelles figures  politiques comme 
Eric Jean Baptiste candidat à la Présidence  du Parti MAS ( Mouvement 
Action Socialiste ), Samuel Madistin , candidat du Mopod  et Mario 
Andresol, un ancien chef de police .
 Ces trois personalités sont dans la liste des  premiers candidats 
classés par le Conseil Electoral qui ne  semblent dépendre  de manière 
directe des secteurs  en présence mentionnés antérieurement  . Un autre 
groupe composé de femmes et d’hommes  politiques  parle de la résitance 
patriotique et articule sa stratégie sur la mise en place d’un 
gouvernement de transition. Mais ce groupe très hétérogène conduit par 
l’ancienne candidate à la Présidence Mirlande Manigat  semble etre  en 
déficit d’idées novatrices . Pas de proposition concrète et viable sur 
cette meme transition réclamée qui risque de tomber une fois de plus 
dans les mains des étrangers . L’intelligence politique est absente.
Le blocage  et la bombe à retardement 
Les fraudes dénoncées lors du premier tour des élections 
présidentielles du 25 octobre 2015 sont venues accentuer cette lutte 
pour la conquete du pouvoir politique et des privilèges  de l’élite 
d’une part et la résistance d’une certaine classe moyenne pour la survie
 et le maintien des acquis démoctratiques de l’autre.
Les promoteurs de la transition se sont vite faits doubler par le 
groupe des 8 candidats qui ont dénoncé les fraudes électorales et 
demandé l’expulsion du candidat officiel Jovenel Moise . Ce groupe de 8 
candidats est lui aussi traversé par des intérets divergents et des 
rivalités.  
La chute d’un prétendant peut profiter à un concurrent. Ce qui peut faire le malheur d’un peut faire le bonheur de l’autre.
Les manifestations lancées par les différentes fractions de cette 
“opposition électorale “ ont démontré par la diversité des slogans, 
discours et emblèmes que les interets etaient bien contradictoires .  
Le Conseil Electoral Provisoire ( CEP) en publiant le 24 novembre les
 résultats définitifs démontre qu’il est déterminé à poursuivre avec le 
processus en dépit des dénonciations et constats de fraudes. Le verdict 
du BCEN ( Bureau Contentieux Electoral National ) rendu le meme jour est
 faussé. Le fait par le BCEN de constater qu’un échantillon de procès 
verbaux tiré de manière alléatoire était irrecevable l’obligerait à 
autoriser la vérification de tous les procès verbaux. Cette décision 
aurait contribué à jeter la lumière, rendre acceptable  et sauver 
éventuellement le processus . ( Théorie du 04/40 )
Un pouvoir dans les rues 
Après cette proclamation on risque d’observer une amplification des 
manifestations de rues avec un risque très élevé de violence et de 
repression. Cette situation aura des retombées sur la sécurité publique,
 sur la stabilité des institutions et la situation économque ( 1 USD = 
59 HTG)  
La date du 27 décembre est cruciale pour l’avenir de la démocratie et la survie du gouvernement Mathely.
Les options possibles
Plusieurs options sont possibles . Leur matérialisation dépendra des 
rapports de force et du jeu des intérets.  L’acteur le plus important de
 la conjoncture actuelle se nomme Jude Celestin.  En dehors des réserves
 liés au classement du CEP, Celestin jouit de cette préseance qui 
l’autorise à prendre le leadership de l’opposition. Cependant un mois 
après le premier tour des élections il n’a pas fait preuve de leadership
 et d’esprit d’initiative . Il joue peut etre au malin en essayant de 
tirer ses marrons du feu  en impliquant ses alliés conjoncturels  tout 
en se gardant de prendre avec eux des engagements formels dans un accord
 politique bien ficelé et accepté par tous.  Il craint  peut etre  ses 
poursuivants immédiats qui lorgne aussi sa position.
  Dans ce groupe, la position de Moise Jean Charles qui se proclame 
aussi vainqueur des élections  et qui se dit affirme etre guidé  par la 
mise en marche d’ une “révolution pacifique “ est aussi  un handicap 
pour Celestin qui n’a pas osé proposer.
 La Position de Fanmi Lavalas qui s’est auto proclamé vainqueur de 
ces élections n’est pas pour arranger les choses . Lavalas se veut 
légaliste et veut démontrer sa capacité de mobilisation dans les rues. 
Une démontration de force peut etre pour mieux négocier ou tout 
chambarder .  
Le pouvoir est contraint de résister sans s’engager dans les rues 
afin d’éviter les confrontations car des morts enregistrés au cours des 
manifestations  pourraient précipiter la chute de Marthely et conduire à
 la mise en place de ce gouvernement de transition. La repression est 
confiée à la poilice et des anonymes  mais la fatigue des policiers 
conduira nécessairement aux ‘bavures et dommages collatéraux”.
  
Le temps joue contre  tous 
L’opposition est entrain de rater le momentum de se rassembler 
derrière un leader désigné parmi les candidats les “mieux classés” pour 
affonter le candidat officiel. La réussite d’une telle démarche devrait 
passer par la signature d’un accord politique pour la mise en place d’un
 gouvernement de coalition avec pour mission dans un mandat de trois 
ans,d’opérer les réformes nécessaires et indispensables au niveau du 
système politique, du système électoral .
La crise actuelle est systémique et ne saurait etre résolue de 
manière durable  sans  une réforme constitutionnelle qui verrait le 
questionnement  dans un débat national , du régime politique bicéphale (
 Président – Premier Ministre  versus  Vice Président ) , le maintien ou
 non des deux chambres ,  la mise en place d’une chambre unique et 
l’élection de gourverneurs régionaux à la place des sénateurs et des 
délégués départementaux , l’élection d’un seul maire et la création de 
plus de communes pour une meilleure distribution des services et 
perception de recettes.  La réforme du système électoral avec comme 
visée la réduction du nombre de partis politiques, la réglémetation du 
financement , de la subvention des partis,   l’utilisation des 
ressources publiques à des fins électorales  par le parti au pouvoir , 
la modernisation des mécanismes du vote , la participation civique des 
étudiants aux journées électorales et le financement local des élections
 et l’élimination des influences et ingérences étrangères dans les 
processus électoraux ).
La forte tentation de Marthely de se maintenir au pouvoir à travers 
Jovenel Moise et construire une dynastie grace à la corruption  prenant 
avantage  de la précarité dans laquelle vit la majorité de la population
 pourrait se heurter à cette coalition. De nouvelles tentatives de 
fraudes aux élections du 27 décembre donneraient ainsi un blanc seing 
aux opposants pour passer à une phase B qui verrait une radicalisation  
du mouvement devant conduire si ce cas de figure se présente à la chute 
du régime.  
Si  Celestin choisit d’affronter seul  “Neg Bannann Nan “ ( Jovenel 
Moise) il sera désavoué par ses pairs et se retrouvera seul devant cet 
échec. Un échec de Celestin ne sera pas pour autant une victoire 
garantie pour la bande à Marthely.
L’Installation de Jovenel Moise dans des conditions d’illégitimité  
conduira de toute facon à la meme  radicalisation et aura les memes 
résultats qu’en 2004.
L’abstention ou le retrait de Celestin et de ses poursuivants 
permettra au CEP de boucler le processus avec la sensation d’un forfait 
décidé lors d’un match de football. L’installation d’un Moise J. comme 
président aura les memes effets de conduire à une contestation 
permamente jusqu’à la chute du nouveau pouvoir .
L’élement inconnu mais qui doit etre considéré est le recours aux  
protestations et à la violence pour empecher la tenue du second tour des
 élections. Il est clair que dans l’éventualité d’application d’une 
telle option la police nationale haitienne sera dépassée et le bilan 
risque d’etre lourd. La Minustah n’aura pas intéret à intervenir dans un
 conflit interne qui viendrait  à point nommé justifier la prolongation 
de son mandat ou son remplacement par une nouvelle force 
d’interposition.
En fait, l’option la moins couteuse pour le pays serait le modèle de 
transition ou le cas échéant  une  gouvernance collective .  Cependant 
il y a lieu d’etre sceptique quand on pense à cette mentalité du ca 
passe ou ca casse ou  du tout ou rien. ( fin de texte) IMC/ 24/11/15
Source: Haiti Expressnews