Jovenel Moïse, le candidat du pouvoir est déjà prêt à s’installer au pouvoir à n’importe quelle condition et serait déjà disposé à faire couler le sang du peuple dans une logique de confrontation. Dans une déclaration scandaleuse et toute aussi prétentieuse faite cette fin de semaine lors d’une tournée à New York, monsieur Moïse, évoquant son score après la publication par le CEP des résultats contestés du premier tour des présidentielles, se voit déjà au palais national si les autres candidats désistent pour le deuxième tour.
Une telle vision des choses relève tout simplement de l’illusion arrogante de l’équipe au pouvoir de vouloir imposer au pays un Président contesté qui est loin d’être l’expression de la légitimité populaire. L’actuel processus de vérification des procès-verbaux des présidentielles du 25 octobre dernier conforte les inquiétudes de l’opinion publique quant à la qualité frauduleuse des élections et viennent confirmer les rapports d’observation de plusieurs organismes locaux crédibles qui avaient dénoncé une fraude massive au profit du candidat officiel.
Jovenel Moïse affirme haut et fort que les « machettes des paysans sont bien aiguisés » évoquant la perspective de la foule qui voudrait déchouquer ses bananeraies. A date, il n’y a pas eu que l’on sache, des menaces du genre. Jovenel Moïse en faisant de telles déclarations qui, facteur aggravant a provoqué les rires de son audience, semble déjà disposé à ce que du sang coule pour paver la voie qui le conduirait au palais national. Ces propos doivent faire l’objet de la condamnation et du rejet catégorique des démocrates haïtiens. Ces projections d’affrontements violents qui traduisent l’état d’esprit du clan au pouvoir disqualifient celui qui les a prononcés et révèle en même temps au pays la nature d’un prétendant dirigeant, incapable d’abnégation et d’attitude appelant à l’apaisement et à la concorde nationale, en toute circonstance.
Vouloir le pouvoir à tout prix, sans qualité ni référence est le fait de gens sans scrupules porteurs de projets personnels inavouables. Projeter la perspective de massacre et d’affrontements entre paysans et foule en colère à la défense de son vote, induit un niveau d’irresponsabilité qui doit faire craindre le pire au pays pour son avenir avec des prétendants à la direction des affaires de l’État qui n’entendent reculer devant aucun obstacle pour concrétiser le viol des confiances. La fraude électorale comme méthode pour arriver au pouvoir est un crime contre l’humanité parce qu’il s’agit bien d’un déni de la libre expression du souverain dans le choix de ses dirigeants.
Par ailleurs nous voyons mal comment le CEP pourrait proclamer Jovenel Moïse Président de la République, suite au désistement des autres candidats. Ce cas de figure n’est pas prévu dans le décret électoral du 2 mars 2015. Et dans le cas de la demande d’application d’une avance de 25% des voix comme prévu par l’article 38 du Décret électoral, il n’est pas applicable dans le cas de figure, le CEP avait pris le soin d’établir la procédure de décompte avant la tenue des élections. L’antécédent appliqué à deux Sénateurs élus au premier tour relève d’une erreur de méthode de calcul du Conseil Électoral. On ne saurait établir une jurisprudence sur une erreur que d’aucuns considèrent en plus comme suspecte…
L’article 37 du Décret Électoral dispose ; « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct à la majorité absolue des votes valides (50%+ 1)… A partir de quelle acrobatie, sans la tenue d’un deuxième tour et l’épuisement total des situations de remplacement des candidats désistés prévues à l’article 43.1 du Décret électoral, pourrait-on obtenir d’installer Jovenel Moïse à la Présidence pour un mandat constitutionnel valide ? Ceux qui rêvent de pouvoir le faire, sont en dehors de la réalité d’Haïti où, traditionnellement, même les Chefs d’État légitimes, dans la tête des comploteurs, tombent avant de s’installer sur le fauteuil présidentiel.
Or au regard des actuelles agitations dans les rues du pays pour réclamer le respect du vote et la transparence des résultats, il est peu probable qu’aucune autorité, fût-elle irresponsable, en état d’ébriété ou sous effet d’hallucinogènes puisse s’aventurer à penser réaliste une passation de pouvoir entre Michel Martelly et Jovenel Moïse sans le prérequis électoral en bonne et due forme.
Avec la Constitution du 29 mars 1987, on est sorti du régime dictatorial où le Chef de l’État pouvait désigner son successeur et lui transmettre le pouvoir selon le modèle duvaliérien. Les élections sont une exigence pour devenir Président et jusqu’à date tous les processus électoraux viciés et tarés ont conduit le pays dans des aventures dont nous connaissons tous les aboutissants. 17 janvier 1988, LESLIE F. Manigat, 26 novembre 2000, deuxième mandat d’Aristide sur fond de crise des législatives contestées du 21 mai 2000, 7 février 2006, deuxième mandat de René Préval, 28 novembre 2010 et 20 mars 2011, élection de Michel Martelly suite à des incidents violents qui ont valu au pays l’incendie de maintes installations publiques aux Cayes en particulier, et ailleurs.
Les tenants du pouvoir qui critiquent les manifestations de l’opposition aujourd’hui, ont la mémoire on ne peut plus courte ! Les violences dans les manifestations que tout le monde doit condamner sont en général en réaction à des provocations comme on l’a observé à l’entrée de Pétion-Ville au Morne Lazarre et à Delmas 95 la semaine dernière.
Nous avons là 28 années d’agitation pour illustrer la situation de crises multiples qui ont enveloppé notre pays suite à des processus électoraux fourbes, confus et qui ont provoqué l’indignation de la nation sur fond de mainmise et d’immixtion de forces étrangères pour imposer à Haïti des solutions les unes plus scabreuses que les autres.
La cause de tout cela, nous avons envie de dire « les causes de nos malheurs » pour parodier Edmond Paul en 1882, c’est l’absence de femmes et d’hommes de caractère, de citoyennes et de citoyens au courage à toute épreuve à l’intérieur de nos institutions. Ce n’est pas souvent que les femmes et les hommes qui transitent dans nos institutions se sont élevés à la dimension des attentes pour prendre envers et contre tout, les décisions qui s’imposent comme elles sont d’ailleurs consacrées par les lois et dispositions légales. Aujourd’hui, le CEP est l’objet de toutes les attentions. Les regards du pays sont braqués sur les neuf membres du CEP qui avaient reçu une délégation de confiance des institutions qui les avaient désignés.
Après les erreurs, les errements et les flottements depuis les législatives du 9 août 2015, les Conseillères et les Conseillers Électoraux, malgré l’évidence des fraudes vont-ils rester indifférents et impassibles et valider les premiers résultats publiés, à l’état ? Auront-elles, auront-ils le courage d’appliquer les prévisions du Décret Électoral contre les fraudeurs et les bénéficiaires des fraudes ?
L’avenir d’Haïti dépend de celles et ceux à qui la nation avait confié la mission d’organiser les élections. Selon l’article 1er du Décret Électoral : « Le Conseil électoral provisoire est une institution indépendante et impartiale, chargée de l’organisation et du contrôle des élections sur toute l’étendue du territoire de la République. Il jouit de l’autonomie administrative et financière. » Le CEP fonctionne en violation de ce premier article du Décret électoral. Il ne jouit pas effectivement de l’autonomie financière. Et ceci n’est pas juste qu’un détail…
Va-t-on dans les prochains jours, car le deuxième tour est prévu pour le 27 décembre 2015, être informés d’une décision courageuse du CEP au regard des présomptions et des fraudes documentées pour sauvegarder le reste du processus ? Car aujourd’hui, ni vous ni nous, mettrons presque la main au feu, qu’il n’y aura probablement pas de deuxième tour, en tout cas, à la date.
JOVENEL MOÏSE, DE LA BANANE À LA MACHETTE…
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