Pour certains, le 25 novembre, c’est la Sainte-Catherine, désuète fête des filles qui n’ont pas trouvé de mari à 25 ans. Pour d’autres, c’est la Journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes, organisée par les Nations unies depuis une résolution de décembre 1999. Objectif : promouvoir le droit des femmes et, surtout, sensibiliser le public, l’informer de la situation des femmes, réaffirmer la nécessité d’un combat indispensable.
La preuve en chiffres : la forme la plus courante est la violence physique infligée par le partenaire intime. En moyenne, au moins une femme sur trois dans le monde est battue, victime de violence sexuelle ou autrement maltraitée au cours de sa vie.
Une violence mal perçue
Selon les données de la Banque mondiale, le viol et la violence conjugale représentent pour une femme âgée de 15 à 44 ans un risque plus grand que le cancer, les accidents de la route, la guerre et le paludisme réunis. Une femme sur cinq sera victime de viol ou de tentative de viol au cours de sa vie.
Les chiffres font froid dans le dos : rien qu’en France, une femme meurt tous les trois jours, dans tous les milieux, à la ville comme à la campagne, sous les coups de son conjoint. Alors, bien sûr que cette journée du 25 novembre «a une vraie utilité», martèle Elisabeth Morin-Chartier, députée européenne et présidente de l’European Union of Women (EUX) : «Il faut expliquer aux unes et aux autres, aux femmes et aux hommes, aux médecins et aux patients, aux enfants et aux adultes, aux employeurs et aux salariés, ce qu’est une violence. Informer, libérer la parole, protéger les femmes qui ont parlé, c’est primordial.»
Peu de recours à la police
Sinistre peloton. Une femme sur cinq en Europe a subi des violences physiques ou sexuelles, presque une sur deux des violences psychologiques, selon une enquête de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (1) menée sur 42 000 femmes et parue l’an dernier. En tête du sinistre peloton, les Pays-Bas, la Suède, la Roumanie… et la France, où une femme sur quatre dit avoir été victime de violences physiques : alors que la moyenne européenne est de 22 %, l’Hexagone affiche un score de 26 %. Il s’élève encore en Lettonie et au Danemark, qui affichent chacun 32 %, les pays du Nord de l’Europe, pourtant très en pointe en termes d’égalité homme-femme, ayant les plus mauvais chiffres. «A cause de l’alcoolisme, essentiellement, commente la députée européenne. Mais aussi parce que les femmes y sont plus sensibilisées à leurs droits fondamentaux, hésitent moins à parler que dans d’autres pays européens, se sentent plus légitimes à dénoncer les violences qu’elles ont subies.»

Il faut donc déduire que les chiffres donnés par l’enquête sont sans doute très en deçà de la réalité. Les femmes ont souvent peur de parler, parce qu’après, que va-t-il se passer ? Alors il faut informer, faire parler, soutenir.
Méconnaissance des lois

Rappeler ce qu’est une violence, d’abord, où elle commence : «Se faire bousculer, gifler, tirer les cheveux, frapper du poing, brûler avec une cigarette, énumère Elisabeth Morin-Chartier, mais aussi subir de la dépréciation récurrente, du genre "tu es nulle, tu n’arriveras jamais à rien", des comportements abusifs, par exemple se faire confisquer ses clés de voiture ou se voir interdire de voir sa famille, être victime de chantage, ou bien de comportements dominants et de violence économique.»

 Il s’agit aussi de reconnaître qu’on subit des violences à des signes qui ne trompent pas, comme la dépression, les troubles du sommeil, de l’anxiété ou des crises de panique. Se rendre compte qu’on a été isolée, coupée de ses proches : c’est le chemin de croix des victimes de violence conjugale, avec bien souvent les enfants au milieu (en 2014 en France, 35 sont morts dans un contexte de violence dans le couple, et 134 femmes). Le problème en Europe, poursuit la députée, «c’est le manque d’information et d’implication à tous les niveaux, social, politique».

La crise économique frappe très fortement les femmes depuis 2008, souvent en situation de précarité, de temps partiel et d’inégalité salariale criante, et contribue à la fragilité de nombre d’entre elles : «Nous sommes à un moment de recul dans l’histoire des femmes, dont la place dans la société est étroitement liée à leur éducation et à la transformation de leur savoir dans la vie économique.»

Traité d’Istanbul. 
Il faut donc, répète encore Elisabeth Morin-Chartier, qu’il y ait plus d’actions nationales, et surtout, pour commencer, que tous les pays européens ratifient la convention du Conseil de l’Europe sur la violence à l’égard des femmes et les violences domestiques, signée à Istanbul en 2011 par 13 pays, qui ont donc décidé de retrousser leurs manches pour venir en aide aux victimes. Parmi eux, l’Autriche, le Danemark, la Suède, l’Italie, le Portugal et la France, qui s’est décidée en juillet 2014.

Indispensable, insiste la députée : «Les femmes ont besoin d’être aidées par la justice. Si toute l’Europe signe ce traité d’Istanbul, alors on pourra commencer à être efficace et mettre en place un système européen cohérent.» D’une façon générale, conclut Elisabeth Morin-Chartier, «c’est une question d’ordre privé qui doit absolument être portée sur la place publique».
Voir aussi notre expérience interactive L'une d'elles
Un numéro à composer, celui de Violences femmes info : le 3919. Un site : Stop-violences-femmes.gouv.fr.
(1) L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, Fra.europa.eu
Emmanuèle Peyret , BIG